Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 crysteau-d'O-ver-Gne.com

crysteau-d'O-ver-Gne.com

CONTES D'AUVERGNE


le banquet

Publié par crysto.over-blog.com sur 27 Octobre 2017, 22:07pm

Catégories : #PSYCHOLOGIE

          De  Platon à Lacan     ou      Le banquet de Socrate

Je m’interroge aujourd’hui sur ce lien entre Socrate et Alcibiade, enfin ma réflexion porte plus exactement sur le lien à faire entre Platon et Lacan.

Le banquet : est une œuvre de Platon, rédigée vers 375 avant notre ère.  L’auteur met ici en scène plusieurs interlocuteurs qui s'affrontent autour d'un thème : l'amour. En outre, sachez qu’Il est dit que Platon a fondé là sa théorie du désir.

En fait, l’auteur développe là un mythe : celui de la naissance d’Eros (= l’Amour, qui est également l’incarnation du Désir) dont le père était Poros, l’Abondance, et la mère Pénia, la Pénurie. Héréditairement marqué, Eros oscille ainsi sans cesse entre la pauvreté et la richesse.

 

Nous avons autour de ce banquet  quelques  personnages principaux  dont :

 - Agathon, jeune poète couronné, organisateur de la réception et  - Pausanias, son amant.

 - Aristophane auteur comique à succès 

-  Eryximaque, médecin érudit, organisateur du tour d'éloges d'Éros ;

-  Socrate, accompagné de son disciple : Aristodème

-  Diotime qui a initié Socrate à la pensée de l'amour 

-  Phèdre, jeune Athénien brillant,

-  Alcibiade, exubérant (qui est encore amoureux de Socrate)

Plusieurs autres personnes sont présentes, mais elles n'occupent pas de rôle majeur. Une partie de ce banquet est consacrée aux joutes oratoires. Et disons que la pédérastie faisait semble-t-il partie des mœurs de l’époque.

Tout ceci place le contexte dans lequel se déroule un échange entre Socrate et d’Alcibiade 

Alcibiade, un homme âgé de trente-cinq ans environ, arrive donc à la fin de ce banquet. Il est un peu ivre

Agathon l'invita à s'assoir entre lui et Socrate. Alcibiade ignore tout d’abord Socrate.

Puis, au détour d'une remarque …

Alcibiade dit : Par Hercule! qu'est ce ceci ? Quoi, Socrate, te voilà encore ici à l'affût pour me surprendre en réapparaissant au moment ou je m'y attends le moins ! »

Socrate, inquiet : « Au secours, Agathon ! s'écria Socrate. L'amour de cet homme n'est pas pour moi un médiocre embarras, je t'assure. Depuis l'époque où j'ai commencé à l'aimer, je ne puis plus me permettre de regarder un beau garçon ni de causer avec lui sans que, dans sa fureur jalouse, il ne vienne me faire mille scènes extravagantes, m'injuriant, et s'abstenant à peine de porter les mains sur moi. Ainsi, prends garde qu'ici même il ne se laisse aller à quelque excès de ce genre, et tâche de nous raccommoder ensemble, ou bien protège-moi s'il veut se porter à quelque violence ; car il m'épouvante en vérité avec sa folie et ses emportements d'amour.  »

Alcibiade, pourtant ivre, redemande à boire, non dans des verres, mais dans des vases. Les convives insistèrent pour qu'il fasse à son tour son éloge sur l'Amour.  Toutefois, ce n’est plus d’Eros dont on va faire l’éloge, mais de Socrate.  Alcibiade  le compare même aux statuettes des Silènes (les silènes étant des boites dont l’extérieur est grotesque, mais qui contiennent dans leur l’intérieur une merveilleuse statue). "Toutefois, comme le satyre, le flûtiste légendaire, Socrate charme ceux qui l’entendent". "Si c’est toi, Socrate, que l’on entend, dit Alcibiade, ou bien tes paroles rapportées par un autre, nous en sommes possédés."

Puis, Alcibiade se mett à raconter les vains efforts qu’il fit, autrefois, pour se donner physiquement à Socrate, de façon à obtenir de lui "tout ce qu’il sait". Alcibiade raconte qu’il a invité Socrate à dîner, et que, prétextant l’heure tardive, il l’a obligé à rester. Voilà donc Socrate reposant sur un lit qui touche à celui d’Alcibiade. Une fois la lampe éteinte et les esclaves partis…...

Mais son discours est contradictoire. Socrate est pour lui un effronté  et simultanément, dît-il « je vous attesterais avec serment l'effet extraordinaire que ses discours m'ont fait et me font encore. En l'écoutant, je sens palpiter mon cœur plus fortement que si j'étais agité de la manie dansante des corybantes, ses paroles font couler mes larmes, et j'en vois un grand nombre d'autres ressentir les mêmes émotions. ».                                                  Il admet se sentir en position de faiblesse vis-à-vis de Socrate « Pour lui seul dans le monde, j'ai éprouvé ce dont on ne me croirait guère capable, de la honte en présence d'un autre homme : or il est en effet le seul devant qui je rougisse. J'ai la conscience de ne pouvoir rien opposer à ses conseils, et pourtant de n'avoir pas la force, quand je l'ai quitté, de résister à l'entraînement de la popularité ; je le fuis donc ; mais quand je le revois, j'ai honte d'avoir si mal tenu ma promesse, et souvent j'aimerais mieux, je crois, qu'il ne fut pas au monde, et cependant si cela arrivait, je suis bien convaincu que j'en serais plus malheureux encore ; de sorte que je ne sais comment faire avec cet homme-là. ».

Alcibiade semble être fou d'amour pour Socrate Il déclare avoir vainement tenté de le séduire dans le passé, mais que Socrate s'y était toujours refusé, ce qui était outrageant à ses yeux.

Alcibiade est alors  dans un état intermédiaire, à la fois admiratif de Socrate, mais aussi avec un grand ressentiment à son égard. Il est dans la position de celui qui éprouve le malheur de l'amour déçu, mais qui conserve l'espoir d'arriver à ses fins. il souffre, fait des reproches, mais y croit toujours.

Alcibiade ayant cessé de parler, les convives se mirent à rire de sa franchise. Il parait encore épris de Socrate. Son éloge du philosophe n'a t--il pour but que de tenter de séduire ce dernier ?

Socrate réagit : «  Je soupçonne, Alcibiade, dit-il, que tu as été sobre aujourd'hui; sans quoi tu n'aurais jamais si habilement tourné autour de ton sujet en t'efforçant de nous donner le change sur le vrai motif qui t'a fait dire toutes ces belles choses, et que tu n'as touché qu'incidemment là fin de ton discours : comme si l'unique dessein qui t'a fait parler n'était pas de nous brouiller, Agathon et moi, en prétendant, comme tu le fais, que je dois t'aimer et n'en point aimer d'autre, et qu'Agathon ne doit pas avoir d'autre amant que toi. Mais l'artifice ne t'a point réussi. Et on voit ce que signifiaient ton drame satirique et tes Silènes. Ainsi, mon cher Agathon tâchons qu'il ne gagne rien à toutes ces manœuvres, et fais en sorte que personne ne nous puisse détacher l'un de l'autre. »

La feinte est éventée.  

A noter que Socrate sous-entend qu'Alcibiade est fort coutumier de la boisson, ce qui le rend fréquemment malhabile. Est-ce étonnant pour quelqu'un qui ne parvient pas à tourner la page d'un amour déçu ? Alcibiade se détruirait-il lui-même à persister dans sa recherche à satisfaire cet amour manifestement impossible ? Détruirait-il même ainsi, en importunant sans cesse Socrate, toute possibilité de satisfaction de cet amour à l'avenir ? Ce malheur n'alimenterait-il pas toujours plus sa déchéance ? Plus Alcibiade harcèle Socrate, plus il est repoussé, mais comme plus il est repoussé, plus son malheur grandit, et que plus son malheur grandit, plus il harcèle Socrate...

« En vérité, dit Agathon , je crois que tu as raison, Socrate et justement il est venu se placer entre toi et moi pour nous séparer, j'en suis sûr. Mais il n'y gagnera rien, car je vais à l'instant me placer à côté de toi. »

L’amour dont il s’agit ici, c’est de l’amour grec et c’est l’amour des beaux garçons. C’est un fait de culture. M. Foucault a bien expliqué en quoi la pédérastie, l’amour entre un jeune garçon et un adulte, était une institution éducative, admise par les familles aristocratiques à Athènes.

Lacan va se servir de cet amour grec pour dégager deux fonctions : l’amant et l’aimé.                                        L’amant, c’est lérastès. C’est le sujet du désir. Ce qui caractérise l’érastès, c’est ce qui lui manque, mais il ne sait pas ce qui lui manque. L’aimé, c’est l’éroménos. C’est celui qui est aimé. C’est celui qui, dans ce couple est le seul à avoir quelque chose. Mais lui non plus, il ne sait pas. Il ne sait pas ce qu’il a de caché et qui fait son attrait.

Alcibiade  a inversé les rôles d'aimé (éromène) et va se faire amant (éraste). Ce qui est inconvenant dans le contexte grec de l'époque. C’était alors l'homme mûr qui courtisait et non pas le plus jeune (qui lui devait garder sa réserve). S'ajoutait à ce manque de décence l'illusion d'une transmission des connaissances et de la sagesse dans et par la seule osmose d'un rapport physique.

Et Socrate rappelle finalement qu'il s'agit en fait d'acquérir à la place de l'apparence de la beauté (celle d'Alcibiade) la beauté véritable (celle de la sagesse). Et il ne faut pas compter sur lui (Socrate) sur sa beauté comme sur sa sagesse, pour réaliser par lui-même ce troc. Alcibiade note alors avec dépit et jalousie que c'est la constante tactique du séducteur …Socrate suscite chez tous les beaux garçons auxquels il s'intéresse des effets du même ordre qui les transforment en amoureux éperdus.

Autrement dit,  la beauté et la sagesse ne sont pas à chercher dans les Silènes (les silènes étaient jadis de petites boîtes (comme on en voit à présent dans les boutiques des apothicaires)  au-dessus desquelles étaient peintes des figures amusantes et frivoles (du style harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées) inventées pour inciter les gens à rire. Mais à l’intérieur de ces boites on découvrait alors de merveilleuses figurines, des dieux en or. On appelait cela les Agalmata.

L’analogie est la suivante : Socrate qui, dit-on, était très laid, possèdait une beauté, qui n’est pas la beauté physique, mais qui lui est infiniment supérieure, une beauté intérieure : l’Agalma.

Socrate confronte donc ses interlocuteurs à leurs propres contradictions, il les pousse à réfléchir sur leurs représentations. Et Si Socrate ne comble pas le manque c’est parce qu’il ne le peut pas. Il ne possède aucun bien et ne peut par conséquent en donner. Il veut donc apprendre à Alcibiade ce qu’est Eros (le véritable amour).  Cet objet qu’Alcibiade aspire à posséder. .

L’analysant est d’abord un éroménos : il est introduit dans la situation analytique comme étant digne d’amour et d’intérêt. Il croit que l’analyste s’intéresse à lui et l’aime. C’est pour lui que le psychanalyste est là. Mais il y a un autre niveau : le patient est celui qui ne sait pas. Il ne sait pas pourquoi il est malade, pourquoi il est victime d’un symptôme ; il ne sait pas quel est l’objet de son désir. C’est pourquoi il est venu voir un spécialiste qui est censé savoir pourquoi il est malade. Il va supposer que cet objet est dans l’Autre, l’analyste ; il suppose à l’analyste un savoir sur ce qu’il a de plus intime. A ce moment, le patient se constitue comme érastès. Ainsi, du côté de l’analysant, il y a donc bien la métaphore, la substitution de l’érastès à l’éroménos.

Le témoignage d’Alcibiade renvoie donc à la notion de transfert (Socrate endosser le rôle du psychanalyste et Alcibiade celui du patient).

Et la thèse de Lacan, est que l’amour est une métaphore, c’est-à-dire une substitution. Lacan reprend de Platon l'idée d'un Agalma (objet représentant l'idée du Bien), et en tire l'expression d'« objet a ». 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents